
Dans cette note d’analyse de presse, Cyril Vart, associé EY Fabernovel décrypte le point de bascule potentiel du web. Alors que les usages du web continuent de croitre sur les moteurs d’IA générative face au search traditionnel, les GAFA n’ont jamais été aussi proche d’être à leur tour, intermédiés. Une question demeure : quel modèle économique pour ces IA ?
3 % : C’est ce que représente (déjà) la part du trafic générée par les IA génératives comme ChatGPT (86 %) et DeepSeek (3 %) face aux moteurs de recherche traditionnels. Cette étude de OneLittleWeb (avril 2025) montre que si nous sommes encore en bas de la courbe d’adoption, c’est l’usage des IA qui a probablement le plus de chance de démanteler les GAFA que les régulations (et tous les procès liés) elles-mêmes. Ce nouvel usage réouvre le jeu des grands monopoles technologiques.
Et pour cause, la recherche traditionnelle, avec son lot de scroll, ses liens bleus et clics associés, s’efface progressivement au profit des usages des moteurs de réponse. Cela peut paraitre anodin, mais c’est finalement tout le modèle qu’ont bâti les GAFA qui est aujourd’hui remis en question. Là où l’on effectuait une recherche sur un moteur pour l’achat d’une voiture par exemple, il fallait naviguer sur des dizaines de résultats et autant de clics sur des sites, quand l’assistant génératif donne une réponse et la recommandation adaptée directement.
La bascule ? Ces nouvelles recherches échappent à l’exposition publicitaire, base du modèle économique. Tous les signaux sont au vert pour que ces usages continuent de se développer massivement, on l’a vu d’ailleurs dans les investissements étrangers en France l’année passée dans le baromètre EY de l’Attractivité, où l’IA est un des secteurs qui comptabilisent le plus de projets ou encore les milliards annoncés à Choose France – surtout orientés sur la capacité (data centers) à opérer en France et en Europe.
Si les GAFA ont intermédié les médias, nous n’avons jamais été aussi proche qu’ils le soient à leur tour. Dans un nouveau monde où les boomers continueront peut-être à utiliser uniquement la recherche traditionnelle, les nouvelles générations uniquement le génératif et les générations intermédiaires un peu des deux usages… Le modèle des géants est chamboulé. Pourquoi ? Ils ont basé leur business sur un déploiement mondial et unique de produit ou service où « faire de la dentelle » n’existe pas ou peu, à l’exception peut-être de la variable tarifaire adaptée au pouvoir d’achat du pays où ils opèrent. Devoir créer, opérer et maintenir de nouveaux systèmes, gourmands en infrastructures et investissements, tout en conservant les anciens pour répondre à cette « générationnalisation » du web est plutôt contre nature.
Mais il est certain que les géants vont se battre pour ne pas voir partir usages et données, cœur de leur réacteur. L’annonce du déploiement généralisé d’AI Overview faite à la conférence développeur I/O en est l’illustration parfaite : elle n’annonce pas la mort de sa poule aux œufs d’or mais un premier moyen d’essayer d’éviter la fuite des usages sans changer profondément son interface de recherche traditionnelle et continuer ainsi de démontrer aux annonceurs que son inventaire publicitaire est toujours le plus attractif.
Satisfaire, sur un marché fragmenté, plusieurs usages et générations en une plateforme n’est-il pas un trop grand écart ? C’est peut-être le passage nécessaire (rappelons que nous sommes encore en bas de la courbe d’adoption) avant que les usages ne changent complétement et pouvoir à terme, propulser Gemini, l’assistant génératif de Google.
Outre la question du coût environnemental et du nombre de litres d’eau par requête, une autre grande question demeure : quel modèle économique derrière les moteurs d’IA générative ? Les abonnements ont été le premier levier mais force est de constater que le modèle n’est pas rentable pour les moteurs grand public. Est-ce que la publicité refera son apparition dans les résultats de réponses ? C’est une forte possibilité. Quand je chercherai mes nouvelles sneakers, les annonceurs payeront peut-être pour figurer dans les trois premières réponses voire pour être la marque suggérée ?
Une chose est sûre, tant que le modèle économique n’est pas trouvé et que la nouvelle interface IA générative pas entièrement arrêtée, la place est grande ouverte pour les nouveaux entrants…et pas que pour les géants de la Tech, mais aussi pour les marques fortes qui pourraient lancer leur IA agentique. Une façon d’arriver en tant que spécialiste, proposer une valeur ajoutée et une finesse de réponse qui dépasse celle des IA généralistes. Évidemment, une façon de retrouver ce que les modèles propriétaires et non interopérables des GAFA ne pouvaient plus permettre : réintermédier en ligne sa relation avec le client, pour être le point de contact unique et collecter de nouveau de la donnée utile précédemment laissée aux moteurs de recherche et autres grands réseaux sociaux.
Cyril est associé et vice-président exécutif de Fabernovel, agence d’innovation intégrée à EY depuis 2022. Cyril est associé EY Fabernovel, agence d’innovation intégrée à EY depuis 2022. Il accompagne les entreprises dans leur transformation et leur stratégie d'innovation.
En tant qu’entrepreneur, Cyril a fondé 3 start-up entre 2007 et 2009.
Passionné de technologies, Cyril Vart démarre sa carrière dans le développement de bases de données et l’industrie du jeu vidéo puis se spécialise dans les fonctions marketing et développement produit, notamment chez Evolution France, IBM et Lotus Development. Appelé par Lotus Development Corp. à Boston en 1994, puis Altavista Search en 1996, où il exerce la fonction de directeur marketing, il rejoint ensuite Ziff Davis Inc. Il rentre en France en 1999 pour prendre la direction générale adjointe de Wanadoo Portail. Avant de rejoindre Fabernovel en juin 2008, Cyrilétait directeur du développement pour le groupe de presse magazine Emap France (Mondadori), où il s’occupait notamment des activités digitales du groupe.
3 % : C’est ce que représente (déjà) la part du trafic générée par les IA génératives comme ChatGPT (86 %) et DeepSeek (3 %) face aux moteurs de recherche traditionnels. Cette étude de OneLittleWeb (avril 2025) montre que si nous sommes encore en bas de la courbe d’adoption, c’est l’usage des IA qui a probablement le plus de chance de démanteler les GAFA que les régulations (et tous les procès liés) elles-mêmes. Ce nouvel usage réouvre le jeu des grands monopoles technologiques.
Et pour cause, la recherche traditionnelle, avec son lot de scroll, ses liens bleus et clics associés, s’efface progressivement au profit des usages des moteurs de réponse. Cela peut paraitre anodin, mais c’est finalement tout le modèle qu’ont bâti les GAFA qui est aujourd’hui remis en question. Là où l’on effectuait une recherche sur un moteur pour l’achat d’une voiture par exemple, il fallait naviguer sur des dizaines de résultats et autant de clics sur des sites, quand l’assistant génératif donne une réponse et la recommandation adaptée directement.
La bascule ? Ces nouvelles recherches échappent à l’exposition publicitaire, base du modèle économique. Tous les signaux sont au vert pour que ces usages continuent de se développer massivement, on l’a vu d’ailleurs dans les investissements étrangers en France l’année passée dans le baromètre EY de l’Attractivité, où l’IA est un des secteurs qui comptabilisent le plus de projets ou encore les milliards annoncés à Choose France – surtout orientés sur la capacité (data centers) à opérer en France et en Europe.
Intermédiation, vice repetita ?
Si les GAFA ont intermédié les médias, nous n’avons jamais été aussi proche qu’ils le soient à leur tour. Dans un nouveau monde où les boomers continueront peut-être à utiliser uniquement la recherche traditionnelle, les nouvelles générations uniquement le génératif et les générations intermédiaires un peu des deux usages… Le modèle des géants est chamboulé. Pourquoi ? Ils ont basé leur business sur un déploiement mondial et unique de produit ou service où « faire de la dentelle » n’existe pas ou peu, à l’exception peut-être de la variable tarifaire adaptée au pouvoir d’achat du pays où ils opèrent. Devoir créer, opérer et maintenir de nouveaux systèmes, gourmands en infrastructures et investissements, tout en conservant les anciens pour répondre à cette « générationnalisation » du web est plutôt contre nature.
Mais il est certain que les géants vont se battre pour ne pas voir partir usages et données, cœur de leur réacteur. L’annonce du déploiement généralisé d’AI Overview faite à la conférence développeur I/O en est l’illustration parfaite : elle n’annonce pas la mort de sa poule aux œufs d’or mais un premier moyen d’essayer d’éviter la fuite des usages sans changer profondément son interface de recherche traditionnelle et continuer ainsi de démontrer aux annonceurs que son inventaire publicitaire est toujours le plus attractif.
Satisfaire, sur un marché fragmenté, plusieurs usages et générations en une plateforme n’est-il pas un trop grand écart ? C’est peut-être le passage nécessaire (rappelons que nous sommes encore en bas de la courbe d’adoption) avant que les usages ne changent complétement et pouvoir à terme, propulser Gemini, l’assistant génératif de Google.
Un modèle économique à trouver
Outre la question du coût environnemental et du nombre de litres d’eau par requête, une autre grande question demeure : quel modèle économique derrière les moteurs d’IA générative ? Les abonnements ont été le premier levier mais force est de constater que le modèle n’est pas rentable pour les moteurs grand public. Est-ce que la publicité refera son apparition dans les résultats de réponses ? C’est une forte possibilité. Quand je chercherai mes nouvelles sneakers, les annonceurs payeront peut-être pour figurer dans les trois premières réponses voire pour être la marque suggérée ?
Une chose est sûre, tant que le modèle économique n’est pas trouvé et que la nouvelle interface IA générative pas entièrement arrêtée, la place est grande ouverte pour les nouveaux entrants…et pas que pour les géants de la Tech, mais aussi pour les marques fortes qui pourraient lancer leur IA agentique. Une façon d’arriver en tant que spécialiste, proposer une valeur ajoutée et une finesse de réponse qui dépasse celle des IA généralistes. Évidemment, une façon de retrouver ce que les modèles propriétaires et non interopérables des GAFA ne pouvaient plus permettre : réintermédier en ligne sa relation avec le client, pour être le point de contact unique et collecter de nouveau de la donnée utile précédemment laissée aux moteurs de recherche et autres grands réseaux sociaux.
A propos de l’auteur
Cyril est associé et vice-président exécutif de Fabernovel, agence d’innovation intégrée à EY depuis 2022. Cyril est associé EY Fabernovel, agence d’innovation intégrée à EY depuis 2022. Il accompagne les entreprises dans leur transformation et leur stratégie d'innovation.
En tant qu’entrepreneur, Cyril a fondé 3 start-up entre 2007 et 2009.
Passionné de technologies, Cyril Vart démarre sa carrière dans le développement de bases de données et l’industrie du jeu vidéo puis se spécialise dans les fonctions marketing et développement produit, notamment chez Evolution France, IBM et Lotus Development. Appelé par Lotus Development Corp. à Boston en 1994, puis Altavista Search en 1996, où il exerce la fonction de directeur marketing, il rejoint ensuite Ziff Davis Inc. Il rentre en France en 1999 pour prendre la direction générale adjointe de Wanadoo Portail. Avant de rejoindre Fabernovel en juin 2008, Cyrilétait directeur du développement pour le groupe de presse magazine Emap France (Mondadori), où il s’occupait notamment des activités digitales du groupe.