
Défis et opportunités liés à l'expansion à l’étranger.
S’ouvrir à l’international est une étape clé pour toute startup ambitieuse souhaitant conquérir de nouveaux marchés et booster son développement. Mais cette aventure prometteuse implique des défis juridiques complexes.
L’objectif de cet article n’est pas de tout couvrir, mais de présenter quelques enjeux essentiels à travers 4 cas concrets. Pour chaque sujet, des experts juridiques peuvent répondre à vos questions plus précises.
Cas d’usage n°1 : J’exporte mon application mobile aux États-Unis
Prenons l’exemple d’une startup qui développe une application mobile qui compte vos pas et vous permet de gagner de l’argent. Cette startup française se développe en Europe puis vise le marché américain. Dès les premiers échanges, la question de la conformité au droit américain en matière de protection des données (notamment le CCPA en Californie) se pose. Il faudra également adapter ses contrats d’utilisation pour répondre aux exigences locales, intégrer les normes de propriété intellectuelle américaines pour protéger son code et son contenu, et prévoir une fiscalité adaptée si un établissement stable se crée outre-Atlantique. Une mauvaise gestion des données ou des CGU peut exposer la startup à des plaintes collectives (class actions), fréquentes aux États-Unis, et à de lourdes sanctions financières.
À noter : Chaque pays impose son propre cadre légal : contrats, propriété intellectuelle, fiscalité, droit du travail, protection des données… Naviguer dans cette diversité demande une expertise pointue et une stratégie sur-mesure !
Cas d’usage n°2 : Je déploie mon outil RH comportant de l’IA en Angleterre
La conformité réglementaire d’un outil RH intégrant de l’intelligence artificielle représente un enjeu central qui exige une attention particulière lors d’une expansion internationale. En effet, le contexte réglementaire n’est pas harmonisé mondialement : l’Union européenne a développé un cadre légal très structuré avec l’adoption de l’AI Act, posant des exigences strictes en matière de transparence, d’auditabilité, de gestion des risques et de respect des droits fondamentaux. Or, ces règles européennes ne s’appliquent pas de la même façon dans d’autres juridictions.
Par exemple, depuis le Brexit, l’Angleterre peut définir ses propres normes en matière de régulation de l’IA, différentes du référentiel européen. Cela signifie qu’une startup qui souhaite déployer son outil RH au Royaume-Uni devra non seulement se conformer à la règlementation propre à l’intelligence artificielle, en tenant compte des spécificités locales qui peuvent porter sur l’éthique algorithmique, la sécurité ou la gouvernance des données, mais aussi s’assurer du respect du droit britannique qui encadre l’utilisation de l’IA dans les relations de travail. Ainsi, un outil conforme en Europe nécessitera souvent des adaptations pour le marché anglais, notamment en matière de droit social. Il est crucial de cartographier ces différences réglementaires pour anticiper les délais, les coûts liés aux modifications techniques et sécuriser la croissance internationale.
Un autre aspect essentiel à anticiper lors d’une internationalisation d’un outil RH contenant de l’IA, concerne la gestion des actifs immatériels, tels que la marque, les brevets, ou les logiciels. Il est primordial de bien évaluer la valeur de ces actifs, de définir précisément leur localisation (où sont-ils juridiquement détenus ?), et d’analyser les implications du prix de transfert dans le cadre d’échanges entre filiales internationales. En cas de contrôle fiscal, une structuration inadéquate pourrait entraîner des redressements coûteux ou des contestations sur la juste valeur des redevances ou droits versés. Assurer la transparence et la conformité des transactions sur les actifs immatériels, en s’appuyant sur des études de marché et des benchmarks fiables, devient donc indispensable pour sécuriser la croissance internationale et éviter tout litige avec les autorités fiscales des différents pays.
À noter : Avec l’IA, la valeur des actifs immatériels doit être au cœur des questionnements des startups qui veulent s’exporter. Il faut à la fois valider le modèle au regard du droit européen, mais en plus au regard du droit du pays d’exportation. À cela s’ajoute la cartographie de la création de valeur et ses impacts fiscaux.
Cas d’usage n°3 : Je vends mes produits alimentaires au Canada
Imaginons maintenant une startup de confiserie française qui souhaite distribuer ses produits au Canada. Elle doit composer avec les règlementations strictes de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA), concernant la composition, l’étiquetage bilingue (français et anglais), et la description des ingrédients. L’absence de conformité peut entraîner le retrait des produits ou des pénalités.
Par ailleurs, des aspects fiscaux (taxe, droits d’importation) et des obligations en matière d’emploi local lors de l’ouverture d’une filiale (respect des normes provinciales, comme au Québec) viennent complexifier la démarche. Anticiper ces règles est donc ici la clé pour réussir son implantation et éviter les erreurs coûteuses.
Un enjeu qui prend aujourd’hui une ampleur inédite est la surveillance et la gestion des droits de douane, dans un contexte géopolitique particulièrement mouvant. Les tensions commerciales, qu’elles soient entre grandes puissances ou résultant de politiques protectionnistes, ont fait exploser la volatilité des tarifs douaniers et des barrières à l’import/export. Pour une startup qui vise l’international, il est essentiel de cartographier les risques liés à ces fluctuations : hausses soudaines de droits de douane, instauration de quotas, nouvelles exigences documentaires ou multiplication des contrôles à la frontière peuvent impacter lourdement la rentabilité d’une opération ou retarder l’accès à un marché stratégique.
Une erreur juridique peut donc coûter cher et freiner la croissance, voire compromettre l’implantation à l’étranger.
A noter : Une gestion proactive et intelligente de ces enjeux juridiques permet de transformer ces obstacles en leviers de succès. Protéger ses innovations, sécuriser ses partenariats, optimiser la fiscalité et garantir la conformité sont des atouts majeurs pour séduire investisseurs et clients.
Cas d’usage n°4 : Je vends mes cosmétiques au Brésil
Enfin, considérons une startup française spécialisée dans les cosmétiques qui vise le marché brésilien, un des plus dynamiques au monde dans ce secteur.
Dans ce contexte, la question de la protection de la propriété intellectuelle prend une dimension cruciale. En effet, les brevets européens ne sont pas reconnus au Brésil, ce qui signifie qu’une innovation protégée en Europe ne bénéficie pas d’une couverture légale automatique sur le marché brésilien. Il est impératif d’élaborer une stratégie spécifique pour déposer ses brevets, marques ou dessins-modèles auprès des autorités brésiliennes avant toute commercialisation. Sous-estimer cet enjeu expose l’entreprise à des risques de contrefaçon ou de perte d’exclusivité, qui peuvent compromettre la valeur de l’innovation et la compétitivité sur place. La démarche exige anticipation.
Un autre enjeu majeur réside dans l’obtention des autorisations de mise sur le marché délivrées par l’autorité locale. Les démarches sont longues, les exigences chimiques et sanitaires très strictes, et la règlementation sur la publicité ou l’origine des ingrédients doit être scrupuleusement respectée sous peine de retrait de lots ou de blocage des importations.
A noter : Faire appel à un cabinet pluridisciplinaire avec un réseau en France et au Brésil permet d’anticiper difficultés et délais administratifs pour optimiser la commercialisation.
En synthèse des principaux points à retenir :
- Recourir à des conseils juridiques spécialisés intégrés à un réseau international devient capital pour naviguer dans la diversité des enjeux juridiques
- Prendre en compte la protection des données personnelles, notamment pour les startups proposant des outils intégrant de l’intelligence artificielle (cas d’usage 1 et 2), en adaptant la stratégie juridique à chaque marché pour garantir conformité, sécurité et confiance des utilisateurs
- Valoriser les innovations avec l’IA, la valeur des actifs immatériels doit être au cœur des questionnements des startups qui veulent s’exporter. Il faut à la fois valider le modèle au regard du droit européen, mais aussi du droit du pays d’exportation
- Cartographier la création de valeur et ses impacts fiscaux en prix de transfert
- Protéger les innovations à l’international, sécuriser ses partenariats, optimiser sa fiscalité et garantir la conformité réglementaire
- Anticiper les formalités administratives afin d’optimiser et réussir la commercialisation
- Surveiller l’évolution des règlementations douanières, de sécuriser les procédures d’import/export grâce à des contrats adaptés, d’optimiser la classification tarifaire de ses produits, ou encore de mettre en place une veille réglementaire pour réagir rapidement aux changements.
Se poser les bonnes questions et anticiper les obligations réglementaires, sont le socle d’un développement à l’étranger à la fois ambitieux et maîtrisé. Loin de la paperasse, le droit devient ici un outil stratégique au service du développement des startups.
Ce qu'il faut retenir
S’implanter à l’étranger ouvre de nombreuses opportunités aux startups, mais soulève aussi des défis juridiques majeurs. Cet article explore quatre cas concrets d’expansion à l’international ; aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Canada et au Brésil, pour illustrer les principaux enjeux : conformité réglementaire, protection des données, fiscalité, propriété intellectuelle, IA, douanes… Avec les bons conseils et une stratégie juridique adaptée, ces défis deviennent des leviers de compétitivité. Le droit devient alors un outil clé pour sécuriser la croissance globale.
Yaël Cohen-Hadria, Avocate Associée, Département IP/IT/Data Protection, EY France, co-anime la gestion des activités de droit du numérique, de protection des données personnelles et de propriété intellectuelle.